Depuis plusieurs années, la filière de pharmacie connaît une baisse d’attractivité auprès des étudiants. Les raisons sont multiples, mais cela pourrait bien avoir des conséquences sur l’avenir de la profession. En effet, le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques nécessitent une présence accrue de professionnels de santé qualifiés, dont les pharmaciens font partie intégrante. Dans ce contexte, faut-il craindre une baisse du nombre de pharmaciens en France ? CCRI se propose de faire un état des lieux de la situation et d’analyser les pistes pour redonner de l’attractivité à cette filière.

Un phénomène observable au niveau national

La rentrée universitaire de 2022 a été marquée par une crise dans les facultés de pharmacie, en raison d’un manque considérable d’étudiants. Dans toute la France, près de 1100 étudiants manquent à l’appel pour accéder à la deuxième année et intégrer le cursus en pharmacie. On assiste à une fuite massive des étudiant(e)s motivé(e)s par la filière pharmacie pour se former dans d’autres pays de l’UE.

Malgré l’augmentation des places disponibles en études pharmaceutiques (+16,4% en deux ans), seuls 2700 étudiants ont été admis en deuxième année de pharmacie, sur les 3802 places disponibles pour la promotion 2022-2023. Dans les villes universitaires dotées d’une faculté de pharmacie (ou UFR) comme Bordeaux, Caen, Toulouse, Reims ou encore Poitiers, parfois moins de 50% des places ont été pourvues. Au niveau national, cela représente une moyenne de 30% d’élèves en moins en cours.

Ces chiffres ont alerté les doyens, l’Académie nationale de pharmacie, la Fédération des syndicats pharmaceutiques (FSPF), l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), ainsi que les pharmaciens en exercice. Les professionnels du secteur sont de plus en plus inquiets face à cette baisse du nombre d’étudiants en pharmacie, d’autant plus que le métier souffre déjà d’un manque de candidats depuis plusieurs années.

Une réforme complexe des études de santé

Depuis la rentrée 2020, 45.000 étudiants ont inauguré la réforme des études de santé.

Les axes de la réforme

1- La PACES, qui était jusqu’à présent la voie d’accès unique pour entrer en deuxième année de médecine, maïeutique, odontologie ou pharmacie (MMOP), appartient désormais au passé. Elle est remplacée par deux nouvelles formations : le PASS (parcours spécifique « accès santé ») et la L.AS (licence avec option « accès santé »). Contrairement à la PACES, ces deux nouvelles formations offrent la possibilité de suivre des cours à la fois en santé et dans une autre discipline universitaire ce qui implique une charge supérieure de travail.

2- La réforme applique une nouvelle méthode de sélection à la fin de la première année d’études de santé. En effet, avec la PACES disparaît également le numerus clausus qui fixait le nombre d’étudiants admis en deuxième année. Ce dernier est remplacé par le numerus apertus, qui fixe les capacités d’accueil dans chaque université de manière plus flexible et ouverte sur une période de cinq ans. Les établissements ont désormais le pouvoir de définir le nombre de places en deuxième année d’études de santé et de le faire varier d’une année à l’autre. Bien que le nom change, la sélection reste sévère.

3- Le nouveau système d’accès aux études de santé ne prévoit plus de concours en fin d’année. Les étudiants en PASS et L.AS suivent une année sur le modèle de la licence, passent leurs examens à la fin de chaque semestre et sont classés en fonction de leurs résultats. Les étudiants en tête de classement sont admis directement en deuxième année dans les filières MMOP, tandis que les autres passent des épreuves orales de rattrapage pour la deuxième session. Les détails de ce processus varient selon les universités.

4- Le nouveau système d’accès aux études de santé offre des possibilités de poursuite d’études après un PASS ou une L.AS. Si les étudiants ne sont pas admis en deuxième année de santé à la fin de leur PASS ou de leur première année de L.AS, ils peuvent tout de même poursuivre leurs études. Les étudiants qui ont suivi le PASS peuvent passer directement en deuxième année de L.AS, sans redoublement. Les étudiants en L.AS peuvent également se présenter deux fois aux examens pour accéder aux filières MMOP.

Les étudiants qui ne sont pas sélectionnés ne sont pas laissés de côté et peuvent continuer leur parcours universitaire jusqu’à L.AS 3 pour obtenir leur licence en trois ans et/ou se réorienter plus facilement grâce à la validation de leurs crédits ECTS. Cette possibilité de poursuite d’études offre une flexibilité accrue aux étudiants qui peuvent ainsi choisir de se réorienter ou de poursuivre leurs études dans une autre discipline.

Les limites de la réforme

  • Un manque de clarté

Alors que l’accès aux études de santé semble moins sélectif qu’auparavant, on observe sur les deux dernières années une baisse importante du nombre d’étudiants dans la filière. En cause ? Une réforme pas suffisamment claire pour les lycéens et leurs parents, car les filières de santé accessibles ne sont pas présentées de manière évidente sur la plateforme Parcoursup. Les étudiants s’inscrivent pour des études de médecine, sans savoir qu’il existe d’autres professions de santé accessibles via la première année des études de santé, malgré la communication intensive menée par les facultés dans les lycées et les salons d’orientation. De plus, certaines L.AS ne préparent pas aux études de pharmacie, car elles n’enseignent pas les disciplines fondamentales nécessaires à l’exercice de la profession.

  • Un manque de visibilité sur les débouchées en pharmacie

Pendant longtemps, de nombreux étudiants se sont orientés vers la pharmacie après avoir échoué à intégrer la filière médecine en raison du manque de places disponibles dans cette dernière. De ce fait, les études de pharmacie ont souvent été considérées comme un choix par défaut et ont parfois souffert d’une mauvaise réputation, voire ont été considérées comme une “voie de garage”. Ces stéréotypes sont souvent difficiles à entendre pour les professionnels de la pharmacie, car les métiers de la pharmacie sont très variés et offrent de nombreuses opportunités passionnantes.

Comment reconquérir les étudiants ?

Après deux années consécutives de désertification de la filière pharmacie, il est impératif d’agir rapidement si l’on ne veut pas que des déserts pharmaceutiques viennent s’ajouter aux déserts médicaux dans les années à venir. Au-delà de la nécessité de clarifier les enjeux et débouchés de la réforme des études de santé, il y a, selon nous, un travail de fond à réaliser auprès des jeunes sur la perception des métiers de la pharmacie.

Sensibiliser les jeunes aux professions pharmaceutiques

De nombreux jeunes ne sont pas familiers avec la profession de pharmacien et les possibilités d’évolution de carrière qu’elle offre, qu’il s’agisse de l’officine, des industries pharmaceutiques, cosmétiques ou agroalimentaires, de la distribution, de l’hôpital ou de la recherche. Il pourrait également être utile de guider les étudiants dans leur parcours d’études pour devenir docteur en pharmacie, en leur expliquant quels cours choisir pour développer les compétences requises pour les différents métiers de la pharmacie. Par exemple, pour devenir pharmacien titulaire, avoir des connaissances en comptabilité, en droit ou en marketing peut être bénéfique.

Valoriser les multiples facettes du métier de pharmacien

Le métier de pharmacien est bien plus complexe que ce que l’on pourrait penser. En effet, bien qu’il soit spécialisé dans la délivrance de médicaments et de produits de santé, ses missions quotidiennes sont diverses et variées.

Le pharmacien d’officine, par exemple, ne se contente pas seulement de déchiffrer les prescriptions médicales et de délivrer les médicaments en donnant des conseils sur la prise du traitement. Il est également amené à réaliser des préparations magistrales, à vacciner les patients contre la grippe, la Covid-19 ou d’autres maladies, à participer au dépistage de maladies diverses grâce au TROD, à accueillir les patients pour des entretiens pharmaceutiques, à jouer le rôle d’intermédiaire de proximités entre les médecins et les patients, et bien plus encore.

Le pharmacien d’officine joue donc un rôle crucial dans le parcours de soins et dans le système de santé français. C’est un métier passionnant, qui a du sens et qui mérite une meilleure considération.